Cartographie de l’utilisation d’un clavier

Il y a quelques temps je me suis mis en tête d'investir dans des claviers mécaniques de bonne facture. L'exercice va se solder notamment par l'achat d'un Vortex ViBE sur lequel il manque pas mal de touches par rapport à un clavier étendu grand public.
J'ai donc voulu faire un état des lieux de mon utilisation actuelle du clavier étendu dans mes activités privées et professionnelles, raison pour laquelle j'ai investi dans un enregistreur de frappes clavier.
Après environ 3,5 jours d'utilisation de ce keylogger j'ai obtenu un fichier de ~55000 "touches pressées".
J'ai plusieurs options pour exploiter ce fichier : un compte-rendu statistique en chiffres et graphiques ou une cartographie visuelle (heatmap). J'ai choisi la cartographie dans un premier temps pour sa lisibilité immédiate. C'est par contre une option complexe à mettre en œuvre. Il existe différentes pistes pour réaliser une heatmap de clavier sur la base d'un texte fourni par l'utilisateur, mais toutes celles que j'ai trouvées utilisent un clavier réduit et ne proposent pas la disposition AZERTY.
La seule piste viable était donc de trouver une solution libre et ouverte, dans un langage que je comprenne a minima, de sorte que je puisse modifier le programme pour l'adapter à un clavier étendu en français.
J'ai jeté mon dévolu sur Tapmap, petit programme codé en Python 3. La première étape a été de valider que le programme fonctionne sur mon PC sous FreeBSD, après une installation via pip install --user pour épargner mon système. Le test avec un jeu de données bidons ayant été concluant, le plus gros du travail restait à faire. Avant d'attaquer la modification du code de l'application pour étendre la liste des caractères pris en charge j'ai remplacé le fichier keyboard.png représentant un clavier qwerty court par un clavier azerty étendu. Par chance le clavier initial est de marque Apple, ci-bien qu'il est exactement superposable à une image de mon propre clavier. Cela évite d'avoir à refaire toute la correspondance entre un caractère et ses coordonnées physiques sur l'image du clavier. Attention, l'image du clavier doit être en PNG avec une couche alpha, sinon le logiciel ne pourra pas lui superposer la heatmap.
À partir de là il reste le plus dur : faire correspondre chaque caractère enregistré par le keylogger à une zone de pixel sur l'image du clavier. Le programme tapmap est très simple : pour chaque caractère présent dans le fichier en entrée, il cherche une correspondance dans un tableau de coordonnées. Cela impose que chaque caractère qu'on veut représenter soit décrit de manière unique dans la table de correspondance, et que chaque touche qu'on souhaite représenter soit codée par un caractère unique.
De ce constat découlent deux problèmes : le 1 en haut à gauche du clavier doit être traité différemment du 1 du pavé numérique, les codes multi-caractères enregistrés par le keylogger doivent être convertis en caractères uniques. Par exemple quand le keylogger enregistre [1N] il indique que le 1 du pavé numérique a été tapé, quand il enregistre [Sh]1 il indique que la touche majuscule a été pressée pour taper le chiffre 1 en haut à gauche du clavier. Dans le même esprit [Alt][Sh]° représente le caractère ] obtenu par pression sur les touches alt-maj-) du clavier.
Pour palier ces deux problèmes d'un seul coup j'ai converti l'ensemble des codes spécifiques en caractères spéciaux (des lettres grecques en majorité). Ainsi le 1 du pavé numérique ([1N]) devient ρ, le 0 ([0N]) devient π, etc. Via un script shell (juste une grosse commande sed) je transforme le fichier du keylogger en fichier utilisable par tapmap où chaque caractère représente de manière univoque une touche du clavier.
Par de nombreux tests successifs la table de correspondance entre caractères et emplacements sur l'image est complétée avec les spécificités du clavier Apple français, et les touches supplémentaires du clavier étendu. Au final, j'obtiens ces résultats comme synthèse de mes ~55K touches enregistrées :




En fonction du choix de gradient de couleurs la lisibilité est très variable, le second rendu permet par exemple de distinguer bien plus de nuances que les deux autres puisqu'on y aperçoit même les frappes sur le pavé numérique.
En supprimant du fichier source tous les caractères qui ne représentent pas des chiffres il devient possible de comparer l'utilisation du pavé numérique avec l'utilisation des chiffres du haut du clavier :

Dans mon cas le petit doigt de la main gauche appuie sur "maj" et l'index et le majeur atteignent les chiffres de 1 à 5, alors que la main droite se reporte spontanément sur le pavé numérique, que j'utilise aussi systématiquement pour poser des calculs ou taper des adresses IP.

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4 comments

  1. Très intéressant ! Le keylogging s’est fait dans des conditions standards, ou bien penses-tu qu’il est fortement connecté à ton activité (cf ton utilisation es IPs, qui n’est pas courante :-) )

  2. Désolé pour la réponse tardive !
    Le résultat est nécessairement fonction de l'utilisation qu'on fait d'un ordinateur. Malgré tout mon utilisation n'est pas si atypique que cela. Je tape certes beaucoup d'IP (et donc de chiffres), mais je passe aussi mon temps à écrire des emails, ou à rédiger des documents. Il suffit de voir le nombre de caractères tapés dans un email ou un document pour constater que la plupart des particularités "métier" (pour moi les IP, les commandes UNIX, etc.) s'effacent très vite car elles restent malgré tout minoritaires dans mon cas. Par contre, il y a un 2 dans le nom de domaine du boulot, et ça, ça ressort pas mal, alors que notre préfixe IP (159.84) ne ressort pas du tout.
    Aussi, 3 jours de log sont suffisants et totalement représentatifs. J'ai enregistré mes frappes pendant plusieurs semaines et j'ai obtenu strictement le même résultat.
    Pour finir, si les touches du clavier ont tendance à s'user et devenir brillantes il suffit de jouer avec la lumière pour faire ressortir cette brillance : la pattern d'usure correspond - bien évidemment - à 100% à ce que révèle le keylogger. (mais bon, c'est plus long d'user un clavier, faut pas déconner).

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