La Science Fiction de Clifford D. Simak

demain-les-chiensDe temps en temps, faute de nouvelle parution de mes auteurs favoris, je dois me tourner vers des ouvrages pris un peu au hasard dans les longs rayonnages de Trollune. Récemment j'ai découvert Clifford Simak au travers des deux chefs-d'œuvre que sont Demain les chiens, et Voisin d'ailleurs. L'écriture de Simak est agréable et sans détour, et toujours empreinte de bienveillance. Si les récits les plus anciens sont très ancrés dans les années 50, l'auteur ne reste jamais prisonnier de son époque. Contrairement à de nombreux autres, il parvient toujours à sortir ses histoires de ce qui nous apparaîtrait désormais comme une impasse dans un passé poussiéreux.
Demain les chiens est une fable composée de différents récits. Elle prend racine dans l'Amérique des années 40, et vous transporte sur plus de 10 000 ans, bien au delà de la disparition du dernier homme. J'ai abordé cette lecture avec tout le scepticisme que m'évoque un roman de Science Fiction écrit il y a 70 ans par un auteur que je ne connais pas. Après les deux premières histoires, j'étais conquis. Je n'en dirai pas plus pour ne pas gâcher le plaisir des futurs lecteurs.
Voisin d'ailleurs est un recueil de nouvelles non reliées entre elles, si ce n'est par la même énergie de l'auteur. Leur écriture s'étale sur plusieurs décennies et permet d'apprécier l'évolution du style de Simak. Le recueil se termine même par une nouvelle quasiment Lovecraftienne, ce qui n'est pas pour me déplaire. Voyageurs du futur, extraterrestres, homme préhistorique immortel, rien ne vous sera épargné, pour votre plus grand plaisir. À lire d'urgence.

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Trajets et itinéraires de la mémoire

Trajets_et-_itineraires_de-_la_memoireSerge Brussolo est un auteur intéressant. Je l'ai découvert il y a plus de 10 ans, en dévorant Le Syndrome du scaphandrier. Son univers, un peu Science Fiction mais pas trop, est riche, étrange, sur-réaliste et surtout très centré sur l'humain. C'est particulièrement sensible dans le recueil de nouvelles Trajets et itinéraires de la mémoire qui regroupe des textes du début de sa carrière. Des textes dont certains préfigurent d'ailleurs très fortement des romans ultérieurs comme Le Syndrome du scaphandrier.

Ce recueil de nouvelles fait plonger le lecteur dans des mondes durs, des mondes impitoyables où les protagonistes sont perpétuellement en position de faiblesse. La vulnérabilité est la règle, la nudité un uniforme, celle des corps bien sûr, mais celle des esprits aussi. La pitié n'existe pas, et l'humain est maltraité au fil des pages par des régimes autoritaires absurdes. La où certains voient une déshumanisation je vois plutôt une vision tourmentée de la condition humaine. Serge Brussolo plonge le lecteur dans une version noire, extrêmement fataliste de notre monde soumis à un autoritarisme déviant. La folie est partout dans cette prose mais elle n'est pas gratuite et j'aime à penser que l'auteur y dénonce une sorte d'impuissance face à la bêtise.

Les nouvelles de Trajets et itinéraires de la mémoire ne se valent pas toutes, malheureusement, et j'ai trouvé que les dernières du recueil étaient un peu en dessous des autres. Néanmoins la lecture reste très agréable, et les amoureux de l'étrange, de la folie, y trouveront leur compte. C'est délicieusement dérangeant, ça perturbe et vient titiller certaines peurs ataviques. C'est finalement profondément humain.

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La SF et le temps qui passe

zodiac_couvertureMes lectures récentes me font m'interroger sur la manière dont la SF prend parfois la poussière. Non pas que je me pose la question pour la première fois. C'est simplement que je me livre ces derniers temps à quelques acrobaties temporelles, enchaînant Zodiac de Neal Stephenson publié en 1988, Les enfants d'Icare d'Arthur C. Clarke publié en 1953, et Histoire Zéro de William Gibson publié en 2010.
Le contraste entre ces trois ouvrages est saisissant. Le premier, Zodiac, est une sorte de thriller scientifico-fictionnaire écrit dans un style presque familier. Pour un lecteur de mon âge, il fait l'effet d'être ancré dans un passé proche, et seuls quelques détails datent réellement la prose : quelques références à des modèles de voitures, l'absence de téléphone portable, le recours à une bibliothécaire là où nous utiliserions internet. Mais finalement, impossible de forcer mon esprit à plaquer sur le récit des images tirées de mes souvenirs, ou des films des années 80. La prose résolument moderne, dynamique, familière impose presque au lecteur une représentation mentale contemporaine. Je recommande d'ailleurs ce roman à tous ceux qui voudraient lire un thriller sympathique, rempli de protagonistes décalés. Je suis un peu partial dans mon jugement, puisque le héros est chimiste. Quoi qu'il en soit, je me suis bien amusé en lisant cet ouvrage. C'est drôle, c'est fluide et bien mené.
Le second par contre est d'un tout autre genre. On met ici les pieds dans de la SF pure et dure. N'oubliez pas qu'on doit à son auteur un monument comme 2001 l'Odyssée de l'Espace. Néanmoins, sur le plus pur plan stylistique, la marche est sacrément haute entre Les enfants d'Icare et Zodiac. D'une sorte de scène rock-grunge-jean-converse on bascule dans un univers de costumes années 50 avec chapeaux de feutre et vouvoiement entre mari et femme. Clarke a beau essayer de nous vendre une vision de l'an 2050, la sauce ne prend pas vraiment, en tout cas au début. Les anachronismes sont malheureusement trop nombreux. Même si il n'est donné à personne - pas même au plus brillant des écrivains - de prédire le futur, Clarke s'est fait piégé en donnant trop de détails qui enferment sa prose dans la technologie des années 50. J'ai vu il y a quelques années la version originale (1951) de The day the earth stood still, et je peux affirmer que ma représentation mentale du roman de Clarke est assez proche de ce vieux film de SF. Bref c'est poussiéreux, mais fort heureusement, Arthur C. Clarke ne démérite pas, puisqu'il parvient in extremis à terminer son roman sur un dénouement aussi intéressant qu'inespéré, posant les bases de réflexions que développeront plus tard des auteurs plus ou moins trans-humanistes.
J'ai hésité à parler d'Histoire Zéro, puisque je suis à peine au tiers de l'ouvrage. Quoi qu'il en soit, ayant lu la quasi-totalité de l'œuvre de William Gibson, je trouve qu'il a bien sa place dans cet article. En effet, Gibson a démarré sa carrière littéraire sur la scène Cyberpunk, avec des ouvrages très engagés dans la technologie et l'anticipation : futurs à la Blade Runner, implants homme-machine décrits en détail, etc. Il a progressivement orienté son écriture vers quelque chose de plus dépouillé. C'est un processus à la fois extrêmement facile à déceler et très intéressant pour qui prendra la peine de lire ses romans dans l'ordre chronologique de leur parution. Bref. Histoire Zéro ce n'est plus vraiment de la SF, on est à la limite du roman d'espionnage industriel. Même si le goût pour la technologie est toujours là, Gibson a clairement tourné le dos à la SF d'anticipation. Alors bien sûr, rien d'anachronique dans ce roman technophile de 2010 décrivant l'année 2010. Qu'en sera-t-il dans 5 ou 10 ans ? Je doute que les péripéties des protagonistes accrochés à leur iPhone ou à leur compte Twitter vieillissent aussi bien que Les enfants d'Icare, ou même que Zodiac. Néanmoins, sur le plan du simple plaisir de lecteur je m'avoue bien plus conquis par Gibson que par Clarke.
Si c'était à refaire, je pense que je lirais Les enfants d'Icare en premier, puis Zodiac, et enfin Histoire Zéro.

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Océanique

Par le passé, j'ai eu du très bon Greg Egan, et du moins bon Greg Egan.
Océanique, son dernier recueil de nouvelles paru en France est un très bon cru. Absolument incontournable pour les fans de hard science, pour les fans d'Egan, pour les amateurs de multivers, pour les curieux de génétique ou de mathématiques, pour ceux qui attendent la singularité ou l'avènement du transhumanisme.
Les nouvelles présentes dans le recueil sont relativement longues, et certaines ressemblent plus à des cours de math/physique qu'à de la littérature. Néanmoins elles sont tout à fait intéressantes, chacune à leur manière. Greg Egan présente dans ses histoires, sous couvert de science fiction, une grosse réflexion sociétale que je ne saurai reprendre ici. À lire d'urgence.

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Hors du temps

couverture du dechronologueL'année dernière, quelqu'un de bien m'a recommandé de lire Le Déchronologue, de Stéphane Beauverger. Stupeur, un roman de pirates ! Ce n'est pas tout à fait le genre que je recherche étant en général plus versé dans la science fiction dure. Mais que serait la vie sans prise de risque ? On ne rit pas au fond.
Cet ouvrage a tout de même pas mal de choses pour plaire. La première, et non des moindres, c'est qu'il est écrit en français, par un Français. Quand on lit comme moi des traductions à longueur de temps, et des VO à l'occasion, on sait combien il est jouissif de revenir à de la prose originale et bien écrite dans sa langue maternelle. Et côté écriture, ce roman est un régal !
Second point positif, c'est un livre de pirates. On dira ce qu'on voudra, mais ça alimente l'imaginaire des garçons depuis leur plus tendre enfance. Aussi loin que je me souvienne c'est aussi le tout premier que je lis.
Dernier point, c'est de la science fiction ! RAHHH LOVELY.
Voilà, les sceptiques s'alarment, les puristes s'agitent. Oui, Le Déchronologue est un roman de SF situé dans le monde des pirates du 17ème siècle. C'est un joyeux mélange temporel, un objet improbable, et une histoire bien menée qui vous fera sillonner la mer des Caraïbes et ramper dans la fange après une soirée trop arrosée dans un port franc. Vous pourrirez dans une geôle espagnole, vous trafiquerez avec des boucaniers puants, vous échapperez à la mort, mais pas forcément dans cet ordre.
C'est bien écrit, on s'y croirait. C'est truculent, c'est sale, c'est grossier, et ça sonne toujours juste. L'auteur a poussé la farce jusqu'à mélanger les chapitres. Il est toujours possible bien sûr de les lire dans l'ordre, mais dans ce roman la forme participe du fond, et il serait dommage de rétablir la chronologie linéaire. Car justement... mais vous verrez, je vous laisse le plaisir de la découverte.

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Quinze minutes

Comme ça fait du bien de lire un bon bouquin ! Mes précédentes lectures m'avaient laissé perplexe, et déçu. La vitesse de l’obscurité d'Elizabeth Moon n'est pas tellement mon type de roman, même si au bout du compte le récit est bien ficelé, il lui manque une touche de punch, quelque chose qui fait qu'on a vraiment envie de connaître la suite. Avec le tome 2 des aventures de Greg Mandel, de Peter F. Hamilton, on frôle le ratage. C'est mou, pas intéressant, caricatural. Ça ne fonctionne pas vraiment.

Heureusement, Charles Dickinson a écrit Quinze minutes. C'est son seul roman traduit en français à l'heure actuelle, et si les autres sont aussi bons, c'est bien dommage ! Je pourrai en faire des tonnes, avec mes mots à moi, pour vous encourager à lire ce roman passionnant. Néanmoins, je préfère vous renvoyer vers la critique du Cafard Cosmique à la quelle j'adhère totalement. C'est vraiment un bon roman, très agréable à lire et qui tient le lecteur jusqu'à la dernière page.

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L’Étoile de Pandore

etoile_de_pandore Peter F. Hamilton est un auteur prolixe. C'est peut être même l'auteur de science fiction le plus bavard, puisque son cycle L'Aube de la Nuit dépasse les 4560 pages en version française. Le cycle L'Étoile de Pandore, qui nous intéresse aujourd'hui dépasse quant à lui les 2800 pages. Je passe sur l'histoire, on trouve des résumés pratiquement partout. Ce que j'apprécie chez Hamilton, c'est sa capacité à développer des dizaines d'histoires plus ou moins parallèles, tout en embarquant le lecteur dans une véritable épopée héroïque. C'est un fin mélange de space opera, dans sa dimension héroïque, et de hard science-fiction, dans le souci du détail et de la cohérence de l'univers. Bien sûr, ce n'est pas de la vraie hard SF. On est très loin de Greg Egan, et heureusement ! 2 ou 3000 pages d'Egan doivent pousser à la démence.
La mise en place est longue, faite en douceur, avec énormément d'intrigues et de personnages secondaires. C'est un vrai régal, car Hamilton est doué pour faire monter l'intérêt du lecteur. Le problème avec cette augmentation progressive de la pression - sur un tel nombre de pages - c'est que nous-autres lecteurs attendons l'auteur au tournant pour sa fin. Et je dirais qu'en comparaison du cycle de L'Aube de la Nuit, la fin de L'Étoile de Pandore laisse à désirer. C'est bien dommage, je me suis presque senti floué en lisant les dernières pages du cycle. On est loin d'un dénouement à la hauteur du récit.
Néanmoins, cela ne m'empêchera pas d'acheter la suite de la grande saga du Commonwealth : la Trilogie du Vide, séparée de L'Étoile de Pandore par 1500 ans.

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De Iain M. Banks à Iain Banks

iain m banks trames, couverture Iain (M.) Banks est probablement schizophrène. Il parvient à écrire de la Science Fiction sous le nom Iain M. Banks, et toutes sortes d'autres choses sous le nom Iain Banks, tout en ayant des styles d'écriture très différents.
Malheureusement, le style de Iain M. Banks se dégrade avec le temps et aurait grand besoin de subir l'influence de son autre personnalité.
Avec Trames, I. M. Banks nous offre un nouveau volet, bien que légèrement en marge, du Cycle de la Culture. C'est un roman d'une qualité très inégale. Certains passages sont absolument indigestes, rappelant des catastrophes comme l'Algébriste, alors que d'autres nous replongent agréablement dans les volumes précédents du Cycle de la Culture.
iain banks steep approach to garbadale Puis ce qui me met en rogne, c'est qu'une fois de plus, un auteur a allègrement mélangé Science Fiction avec épopée féodale. Ça m'agace profondément de devoir subir les aventures de la noblesse et du Tiers état chevauchant l'épée à la main pendant 70 ou 80% d'un roman (je caricature un peu). Si je voulais lire ce genre de choses, je n'achèterai pas mes livres au rayon Science Fiction.
hamilton etoile de pandore Cela dit, tout n'est pas perdu. J'ai lu, plus tôt dans l'année, un roman inclassable de Iain Banks, sans le M. : The Steep Approach to Garbadale. Ce dernier est bien mieux écrit, autant que je puisse en juger après l'avoir lu en version originale. C'est un inclassable car ce n'est pas de la SF, ce n'est pas un polar, ce n'est pas une histoire à l'eau de rose. C'est simplement une histoire de secrets de famille. Le style est tout à fait rafraîchissant, et en quelques sortes tellement différent de celui de I. M. Banks que rien n'est comparable.
Il est peut être temps pour moi de laisser tomber Iain M. Banks, pour me tourner vers Iain Banks. Je réserverai mes achats de SF à des gens comme Wilson, Egan, ou Hamilton qui me régale littéralement avec le premier tome du cycle de L’Étoile de Pandore.

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